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'Apprendre!' Fiche de lecture analytique du livre d'André Giordan

Updated: Oct 18, 2019

Je partage ici un extrait d'un devoir rédigé dans le cadre de ma Licence de Psychologie en Sciences de l'Education. Le sujet résonnait particulièrement avec mon projet, certes ambitieux, d'intégration de la médiation artistique dans le cursus scolaire. Pour ce devoir, j'ai choisi de faire un parallèle avec l'illustre ouvrage 'Les lois naturelles de l'enfant' de Céline Alvarez, et je finis par une note personnelle, basée sur ma propre expérience.

La ou les questions centrales de l’ouvrage

Qu’est-ce qu’apprendre ? Comment et pourquoi faire apprendre, à l’échelle individuelle et sociétale ?

Deux ou trois points centraux de l’ouvrage

Comprendre l’apprendre :

Dans le livre, « l’apprendre » est un terme préféré à « l’apprentissage » - trop connoté. Selon l’auteur, apprendre est tout autre chose que recevoir une information, apprendre est une dynamique complexe et personnelle ou sociale, sous-tendue par une intention motivée par un besoin, désir ou manque, par un affect, une élaboration de sens et une restructuration de ses conceptions.

En effet, chaque personne édifie sa vision du monde à partir de ses observations et de son expérience, et ce à travers une grille de lecture et en manipulant un ensemble de modèles interprétatifs. La conception qu’elle en déduit, n’est ni « juste » ni « fausse » ; elle est seulement « opératoire » ou « inefficiente ». Elle permet, avec plus ou moins de facilité ou de pertinence, d’expliquer, prévoir et agir. Apprendre consiste donc à s’apercevoir que ses savoirs sont peu ou pas appropriés pour traiter une situation donnée. Il s’agit alors de dépasser ces conceptions primaires ou préalables, pour sauter d’une strate cognitive à une autre. Ce n’est que lorsque qu’une information revêt un sens pour l’apprenant qu’il se l’approprie. Apprendre, c’est donc transformer ses conceptions, ce qui relève d’un processus de réorganisation des éléments préexistants.

De fait, apprendre n’est pas un processus simple, direct, neutre, cela peut même paraitre contradictoire voire paradoxal. Il s’agit, selon l’expression de l’auteur, de « faire avec pour aller contre » son système de pensée. Chaque modification peut se être ressentie comme une expérience désagréable, une menace par l’apprenant. Toute intervention pédagogique doit tenter de réconcilier le cognitif avec ses fonctions affectives. Dans un environnement enrichissant et chaleureux, un apprenant se sentira sécurisé et stimulé.

L’individu n’apprend que s’il peut savoir ce qu’il peut en faire, en élaborant du sens, et si possible à court terme. Il apprend si le nouveau savoir lui apporte un « plus » et s’il peut prendre conscience de sa structure, son importance et son usage, par métacognition.


Favoriser l’apprendre :

Pour donner l’envie d’apprendre, il faut que l’apprenant trouve une motivation. Selon la définition de l’auteur, la motivation est « l’ensemble des mécanismes internes poussant l’individu à apprendre ». C’est une force, une pulsion, une tension permettant le déclenchement d’une action, tout en orientant l’apprenant vers des situations capables de le satisfaire.

La motivation peut exister a priori, il suffit de l’identifier pour la faire émerger. L’important est que l’apprenant, avant d’aborder un savoir, ressente un vide, un manque ou une insuffisance dans son existence, et la nécessité de le combler. Une activité pour être motivante, doit prendre en compte des besoins, intérêts et désirs des élèves suivant leur projet personnel. L’enseignant doit lui proposer un projet éducatif, mais au lieu d’opposer un savoir sans ménagement, il cherchera d’abord à le concerner, en lui faisant prendre conscience du « à quoi ça pourrait servir ». Le défi est non pas d’imposer un projet pédagogique mais d’amener les élèves à y adhérer par eux-mêmes. Il faut ensuite qu’ils développent ou adoptent une démarche de travail aboutissant à des résultats. Au long du cheminement, l’apprenant doit percevoir les modifications positives de ses capacités, sous peine de découragement.

Le contexte dans lequel se situe l’apprendre est un élément central pour l’élaboration de sens. L’apprenant ne s’approprie un savoir que s’il se produit un surcroît de sens pour lui. Ce sens n’est jamais directement accessible. La situation d’apprentissage doit accompagner l’élève pour qu’il en prenne conscience.

C’est par une confrontation avec la réalité et aux autres qu’on apprend. Expérimenter un geste, tester une hypothèse, exprimer ses idées, argumenter un point de vue, permettent de renforcer ses conceptions, ou bien au contraire de les abandonner si elles sont périmées. Dans ce dernier cas, une dissonance doit viser le core de la conception, elle doit créer une tension telle qu’elle rompt le fragile équilibre atteint par le cerveau de l’apprenant. Un concept ne peut s’élaborer à partir d’une situation unique, il faut enrichir l’expérience de l’apprenant. La réfutation d’une conception ne doit pas être vécue comme un échec, mais comme un dépassement. Pour se faire, la confrontation doit être préparée avec précaution pour éviter les stratégies d’évitement.

La prise de conscience de l’intérêt d’un savoir n’est possible que s’il peut être appliqué ou critiqué. Cette mobilisation commence quand l’élève est capable de réutiliser le savoir mémorisé dans un contexte si possible éloigné du contexte d’apprentissage. Pour cela, l’enseignant peut proposer des activités de mobilisation comme l’auto-enseignement, le transfert dans l’action, l’apprentissage d’une pragmatique avec alternance de travaux d’investigation sur le terrain et sur la documentation recueillie et de structuration en classe pour faciliter l’analyse. Le travail de groupe et la discussion collective sont l’occasion de reformuler la question, de rechercher des solutions alternatives et de les inscrire dans un contexte. Ainsi, la classe n’est plus seulement un lieu de transmission, elle devient un lieu de production de savoir.

Pour apprendre, notre cerveau élabore des réseaux d’idées. Le sens émerge des liens établis entre ces idées. Et le savoir sur le savoir, la métacognition, clarifie ces régulations. Les espaces durant lesquels l’apprenant réfléchit sur son savoir, augmente son pouvoir de discernement. Il repère et répare les erreurs, les limites et les dysfonctionnements. Plutôt de multiplier les situations où les élèves se contentent de résoudre des problèmes, mieux vaut les amener à s’en poser. Prendre conscience de ses méthodes de travail, de ses capacités de mémorisation, de sa maitrise gestuelle, fait partie de la réussite d’apprendre.


Accompagner l’apprendre :

Seul l’apprenant peut élaborer ses significations propres, compatible avec ces conceptions. En d’autres termes, on ne peut pas apprendre à sa place. Cependant, il n’est pas l’auteur unique et indépendant de ses savoirs. Ils proviennent d’interactions avec l’environnement. Or ces interactions ne sont jamais immédiates ou spontanées, mais doivent le plus souvent être médiatisées. Le processus de médiation est un « passage obligé », même pour les autodidactes.

Pour apprendre, il faut être perturbé dans ses certitudes, mais pas trop, au risque d’en être paralysé. L’apprenant accepte d’être perturbé que s’il y a assurance d’accompagnement. L’enseignant doit positionner chaque fois ses arguments par rapport à chaque élève pour trouver un équilibre didactique. L’élève doit savoir qu’il a droit à l’erreur, sans jugement ni sanction. Au contraire, une stratégie de l’erreur est à mettre en place pour promouvoir l’exploration, l’expérimentation et la prise de risque.

L’autre doit faciliter la production de sens de chaque individu, en l’accompagnant et en interférant avec ses conceptions. Il ne peut intervenir qu’indirectement, en organisant des conditions qui conduisent à promouvoir la recherche d’un autre comportement ou savoir. Il ne peut faciliter la production de sens qu’en filtrant les multiples informations, en amplifiant ou réduisant l’apport des informations extérieures. Il doit créer des situations didactiques qui forcent les confrontations et les prises de sens. Il accède au rôle d’« intermédiaire » entre les savoirs et l’élève. La prise en compte des conceptions de l’apprenant doit impérativement devenir le point de départ. L’enseignant doit alors disposer d’une bonne écoute pour jauger l’apprenant. Par ses questions, réactions, actions proposées, il doit déclencher la curiosité, l’étonnement, l’intérêt. Il met en confiance, aide à prendre conscience et de la distance. Questionner mais pas manipuler car il doit respecter la liberté de l’élève pour lui permettre de trouver sa voie et son autonomie. Il doit cependant continuer de représenter la contrainte à laquelle l’élève se heurte tout en mettant l’accent sur l’effort et l’attention inhérents à tout apprentissage. La contrainte c’est également l’évaluation. L’enseignant est celui qui doit dire à l’élève où il se situe par rapport à un projet personnel ou vis-à-vis d’un contrat social attendu. C’est que l’élève a toujours besoin de repères.

La thèse défendue par l’auteur

L’auteur propose une nouvelle approche de l’apprendre basée sur des recherches de terrain portant directement sur les apprenants en situation d’appropriation de savoir : le modèle allostérique. Ce modèle, en s’opposant aux modèles transmissifs en vigueur, traduit donc un changement de paradigme pour aborder l’apprendre. Il s’agit de passer de « comment on enseigne » à « comment on apprend ». En effet, les pédagogies précédentes n’étaient pas susceptibles de fournir un modèle global suffisamment opératoire pour l’éducation ou la culture. Cette approche est transversale - à la croisée des sciences cognitives, neurosciences et informatiques, systémique des multiples dimensions de l’acte d’apprendre - biologique, cognitive, socio-culturelles et intentionnelle, et paradoxale - « faire avec pour aller contre ». Ce modèle place l’apprenant au cœur de l’acquisition de son savoir. Il n’élabore pas simplement un savoir : il détermine son propre processus d’apprentissage. En effet, dans une société contrainte d’innover en permanence, il est primordial d’apprendre à apprendre pour faire face à une prolifération exponentielle des informations et s’adapter aux mutations du monde. Le métier d’enseignant et le système scolaire doivent accompagner cette évolution en entreprenant une réforme systémique de l’école en tenant compte du modèle allostérique, afin que celle-ci puisse remplir son principal objectif : faire apprendre.


Résumé de l’ouvrage

Selon l’auteur, les sciences de l’apprendre correspondent plutôt aux « sciences de faire apprendre ». Ce sont des théorisations d’enseignement à partir de modèles issus des courants transmissif, béhavioriste, constructiviste ou socioconstructiviste. Or ces méthodes sont souvent en décalage avec l’apprenant, considérant à tord qu’il possède systématiquement des connaissances préalables et adéquates, qu’il est capable d’organiser lui-même sa propre compréhension, qu’il est une page blanche sur laquelle déverser le savoir. De fait, l’école, en introduisant une confusion entre savoir et apprendre, s’est pervertie. C’est que vouloir savoir ne signifie pas avoir envie d’apprendre.

Or les apports des sciences cognitives montrent que le cerveau traite, non pas des informations éparses, mais des conceptions, lesquelles sont au centre de la mécanique cognitive. Ces conceptions doivent être impérativement considérées avant tout projet éducatif. Le remaniement de ces conceptions est un processus délicat pour l’apprenant qui passe par une phase de déstabilisation. Ceci n’est possible que s’il y trouve du sens, a suffisamment confiance en lui et est correctement accompagné. Dans cette perspective, l’enseignant devient un médiateur entre le savoir et l’élève. Il doit être à l’écoute de ses élèves pour identifier les motivations qui les invitent à s’engager, à se questionner, à se surpasser. Il doit créer un environnement didactique qui permet l’élaboration de sens, la confrontation à la réalité et aux autres, la mobilisation des savoirs acquis. Il doit faire preuve de maitrise de soi, de volonté et d’enthousiasme. Le métier d’enseignant devient donc une tâche complexe, à la fois psychologique et technique, pour préparer les élèves aux mutations de la société. Une réforme globale du système scolaire est alors indispensable pour soutenir les enseignants dans leurs nouvelles fonctions et pour évoluer vers une école plus intégrée, en phase avec les besoins des apprenants et de la société actuelle. La priorité est d’introduire chez l’apprenant une ouverture sur les savoirs, une curiosité envers la nouveauté, une adaptabilité à une société en mutation, afin de permettre à chacun un engagement plus responsable au sein de la Cité.


Ouvrage récent correspondant à la même sensibilité épistémologique et continuant le type de recherche ou le panorama élaboré

L’ouvrage de Céline Alvarez, ‘Les lois naturelles de l’enfant’, publié en 2016, me parut évidemment dans la lignée des recherches effectuées par André Giordan. Tout comme ce dernier, elle s’appuie sur les découvertes les plus récentes en terme de neurosciences pour les appliquer à l’apprentissage (plasticité cérébrale, motivation endogène, expérimentation active, étayage social…). Tout comme lui, elle propose de repenser l’école en fonction des capacités naturelles de l’apprenant, à partir du même constat désobligeant sur le système éducatif, et avance des solutions similaires (rôle de l’enseignant, mélange des âges, importance de l’erreur, organisation de l’espace…). Pourtant, curieusement, elle ne fait aucune allusion à son illustre prédécesseur ! Ce ne sont pas les références bibliographiques qui manquent (il y en a pas moins de 210), contrairement à ‘Apprendre !’.

Si l’intention semble la même, la forme est toutefois différente. L’ouvrage d’André Giordan est la synthèse de vingt années de recherche alors que celui de Céline Alvarez est le rapport d’une expérience de trois ans. Les propositions du chercheur proviennent d’une théorisation de vagues expériences à peine citées (l’absence de références scientifiques ne permet pas d’avoir savoir plus) tandis que les résultats de l’enseignante proviennent d’une application directe réalisée en condition réelle et évaluée par des partenaires scientifiques. Cette approche est donc plus pragmatique, offrant pléthore de matériels didactiques. Mais ces préconisations concernent plus principalement les élèves de maternel, période pendant laquelle les conceptions sont encore en construction. Qu’en est-il donc des plus grands ?

Comme André Giordan, Celine Alvarez invite à redéfinir l’école, mais au lieu d’inciter à une réforme globale en provenance du pouvoir administratif, elle s’adresse directement aux experts du terrain - les enseignants, ATSEM et directeurs, pour une révolution de l’intérieur. Espérons que cette stratégie soit plus efficace...

En résumé,‘Les lois naturelles de l’enfant’ expose les résultats d’une expérience pédagogique de trois ans, mise en œuvre dans une école maternelle publique située en Zone d’Education Prioritaire (ZEP) à Gennevilliers, avec l’intention d’une évaluation objective par un suivi scientifique annuel (qui n’a pu être poursuivie dans un cadre officiel pour des raisons administratives). Il s’agissait pour l’auteure de vérifier son intuition : « une démarche pédagogique fondée sur la connaissance du développement humain permettrait non seulement de réduire […] le taux d’échec scolaire, mais également de faire clore naturellement toutes ces belles valeurs » (d’empathie, d’altruisme et de morale des enfants).

Après avoir été reçue au concours de professeur des écoles, le ministère de l’Education nationale lui accorda carte blanche auprès d’une classe de 25 élèves de 3 et 4 ans. Avec son ATSEM, elles disposaient d’un matériel didactique adapté et avaient réaménagé la classe pour permettre la pleine autonomie des enfants. D’un héritage pédagogique issu de la lignée de Montessori, l’enseignante axa ses réflexions sur le développement des compétences exécutives, les activités de langage, les moments de regroupement et le renforcement du lien social qu’elle appelle « reliance sociale ».

Dès la première année, les tests effectués par le CNRS de Grenoble montraient une progression plus rapide que la norme. Les parents, de leur côté, avaient constaté que leurs enfants étaient plus calmes, autonomes et bienveillants. La deuxième année, la classe réunissait trois niveaux d’âge. Tous les enfants du groupe étaient considérés comme lecteurs et les compétences en arithmétiques étaient tout aussi surprenantes. A la fin des trois années, la situation administrative de l’expérimentation n’avait pu être régularisée et le projet fut arrêté, malgré des résultats probants qui ont intéressé la communauté scientifique.

Ce livre s’insère dans « une volonté de partage des contenus de l’expérience, en dégageant les grands principes biologiques de l’apprentissage identifiées par la recherche, ainsi que les invariants pédagogiques qu’ils imposent. » Il s’agit pour l’auteure d’aller dans le sens de la nature qui nous a fournit avec les capacités nécessaires pour apprendre et évoluer.


Sentiment personnel et résonance sur mon parcours

Faisant partie des « élèves qui ont compris que l’école constituait un passeport obligé pour une future situation potentielle », j’ai accepté de « jouer le jeu ». Et je continue toujours dans mon parcours à l’IED, apprenant par cœur, mot pour mot, quand certains professeurs l’exigent, tout en sachant pertinemment que j’aurai tout oublié le lendemain de l’examen. Et j’avoue que ce mode d’apprentissage imposé me surprend d’autant plus qu’il s’agit d’un cursus de psychologie. Malgré cette pédagogie frontale, j’ai quand même appris à apprendre. Mais je m’en suis rendue compte qu’à la fin de mes études d’ingénieurs et je comprends que d’autres abandonnent avant, pas par manque de compétence mais de motivation.

La motivation semble au cœur du plaidoyer d’André Giordan. Mais comment être à l’écoute de chaque élève pour proposer à chacun un projet éducatif adapté dans une classe de 25-30 élèves ? Et je l’ai bien constaté cette année, alors que j’étais auxiliaire de vie scolaire en école primaire : il ne m’a pas été évident de motiver un seul élève, quid de toute une classe ? Au delà d’une redéfinition du rôle de l’enseignant et l’école, il s’agit d’une question de moyens humains et financiers. Le dédoublement des classes de CP et CE1 en ZEP est déjà un premier pas mais reste à généraliser.

Et même quand les conditions sont au rendez-vous, quelque chose manque… J’ai fait un stage dans une école privée pour enfants à haut potentiel qui appliquait la plupart des solutions proposées par André Giordan : classes restreintes par niveau, organisation en atelier, auto-apprentissage, exposés par les élèves, projets communs, tutorat… Les élèves étaient certes stimulés, mais à un tel point que le désordre et l’hostilité régnaient et que le personnel enseignant était malmené. Il manquait clairement de cadre dans cette école, mais comment imposer une autorité dans une école qui se veut démocratique ? Créer un environnement didactique équilibré est loin d’être facile. Je me pose alors la question : est-ce que le chercheur et son équipe ont pu mener, à échelle réelle et à terme, un projet éducatif appliquant à la lettre le modèle allostérique ?

Autre point, je pense que la question de l’affect a à peine été effleurée. Un apprenant motivé et désireux d’apprendre est avant tout une personne bien dans sa tête. L’auteur le dit lui-même : « Quand l’individu n’apprend plus, c’est souvent le symptôme d’une dépression […]. En revanche, ceux qui gardent la passion d’apprendre conservent la passion de vivre, même au creux des pires difficultés. » Et je trouve, personnellement, qu’il y a peu ou pas d’espace pour l’expression des affects et émotions en général à l’école. Seuls les élèves qui posent problèmes sont écoutés, les autres, les 99%, sont ignorés. C’est pour cela que j’œuvre pour l’introduction d’ateliers de médiation artistique en relation d’aide - ou d’art-thérapie - à l’école, à l’instar des modèles anglo-saxons. Dans cette perspective, ce passage du livre a particulièrement résonné en moi : « Dans le traitement des données, [la complémentarité des deux cerveaux] conduit à une structure émergente au fonctionnement encore plus performant. Ce mode de fonction original n’a pas encore été pris en compte par l’éducation, qui privilégie exclusivement le cerveau gauche en mettant en avant le raisonnement par algorithme, alors qu’elle aurait tout intérêt à promouvoir la réalité multisensorielle du cerveau et favoriser la créativité. L’éducation artistique devrait être prépondérante dans la petite enfance, sans disparaître ensuite. Loin d’être une perte de temps, elle favoriserait les activités analytiques. » En effet, mes ateliers en classe ULIS, en école alternative et en IME corroborent dans ce sens. J’ai donc pour projet de pratiquer dans le cadre d’une expérimentation pédagogique à l’école publique (comme Céline Alvarez), car je rejoins l’auteur lorsqu’il dit : « Montrer que l’on peut introduire d’autres pratiques pédagogiques, donner une assurance dans la possibilité de faire évoluer le système éducatif, sont à la racine d’un processus de changement. » Je me sens aussi confortée dans ma démarche par cette phrase : « Des personnes-ressources extérieures ont alors leur place pour favoriser une prise de recul, pour aider à conceptualiser ce qui s’est passé ou encore pour faire imaginer d’autres solutions alternatives aux difficultés rencontrées. »

Enfin, j’ai été étonnée que dans ce livre, le rôle des parents n’ait pas été évoqué. Ils appartiennent certes au système, mais ne sont-ils pas aussi important que l’enseignant et l’école dans le processus d’apprendre ?

Dans sa Leçon dite « d’adieu », présentation lors de son départ de la direction du LDES en 2011, le chercheur modère ses propos et fait un constat lucide sur ses écueils. Ce texte fait écho à mes interrogations : « Il faut dire que la société n’est pas prête à penser une évolution de l’école… Il nous faudra travailler maintenant côté parents. » Mais il me fait aussi réaliser la difficulté du défi que je me suis lancée…


Bibliographie

Giordan, A. (2016). Apprendre ! (2e ed.) Paris : Editions Belin.


Alvarez, C. (2016). Les lois naturelles de l’enfant. Paris : Editions des Arènes

Giordan, A. (2011). Leçon dite « d’adieu ». PSE, Université de Genève. Consulté de http://pedagopsy.eu/giordan2.html

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